NOA – Journal d'une aventure

La nouvelle cave à Hayanist

L'idée «folle» de chercher des vins dans le Caucase et de les amener en Suisse remonte à loin chez Schuler. Elle remonte aux années 1990. Avant même la fin de l'ère soviétique, un terrible tremblement de terre a détruit une grande partie de l'Arménie occidentale. L'aide et la reconstruction se sont avérées difficiles, notamment parce que l'effondrement de l'Union soviétique a entraîné la création d'un nouvel État, la République d'Arménie.

L'aide suisse est également intervenue sur les deux chantiers. Aide humanitaire pour les victimes du tremblement de terre, aide à la reconstruction pour les habitations, le commerce et l'industrie. Et aussi une aide «officielle» pour la mise en place d'un État démocratique, ce qui nous a été rappelé bien plus tard lors de la création de notre propre entreprise en Arménie: le droit des sociétés en Arménie est repris presque à l'identique du droit suisse. Les autorités suisses y ont contribué.

Dans les années 1990, un habitant de Schwyz a aidé à reconstruire une usine de fenêtres après le tremblement de terre et, surtout, à l'accompagner dans le nouveau contexte de l'économie de marché. Le Dr Guido Käppeli, entrepreneur de construction de Schwyz, se rendait alors fréquemment en Arménie et a également eu un contact avec le vin arménien. Il en a parlé à Jakob Schuler, son voisin parmi les mythes. Jakob Schuler a été infecté par cette idée de faire venir en Suisse des vins du berceau de la viticulture. Mais il n'a pas trouvé d'alliés dans son équipe. Ce rêve est donc resté longtemps en suspens. Lorsque l'œnologue Andreas Florin est entré chez Schuler, l'espoir s'est à nouveau réveillé: Florin n'avait pas trouvé de poste vraiment passionnant après ses études d'agronomie à l'ETH et a donc – en suivant ses racines de Maienfeld - enchaîné avec des études d'œnologie à Montpellier. C'est là, dans une classe très internationale, qu'il a rencontré Arman Manoukian, originaire d'Arménie, qui avait également suivi un deuxième cursus après l'agronomie. Ils sont devenus non seulement des camarades d'études, mais aussi des amis.

Une déception à plusieurs niveaux

L'espoir d'avoir trouvé un allié pour le projet arménien s'était ainsi pleinement réveillé chez Jakob Schuler. Mais hélas, non. Florin déconseillait vivement d'entreprendre quoi que ce soit en Arménie. Toute la viticulture n'est orientée que vers la production de «cognac» – des raisins blancs avec des rendements élevés et peu d'arômes – uniquement adaptés au vin jeune, qui est immédiatement distillé. Déception totale.

Espoir intermédiaire Géorgie

Des années plus tard, Philippe Schuler et son père Jakob ont effectué un voyage privé en Géorgie, le pays voisin de l'Arménie. La Géorgie se targue également d'être le berceau de la viticulture. Ce qui n'est pas forcément faux, puisque la Géorgie a fait partie du grand royaume d'Arménie pendant de nombreux siècles. Ce voyage a été construit sur le plan culturel, historique et social: La fille d'Ursula et de Bernhard Hofer – camarade militaire de Jakob Schuler – a réalisé un travail semestriel avec une collègue de la Haute école d'art: construire un projet géorgio-suisse avec deux artistes arméniens. Le voyage mentionné faisait partie de ce projet. C'est ainsi que Philippe et Jakob Schuler ont fait des détours par de nombreuses caves géorgiennes et ont dégusté de nombreux vins rouges et oranges. Seulement, le cépage principal, le saperavi, n'a pas du tout convaincu les Schuler. C'est un «raisin de coloration». Contrairement aux raisins rouges «normaux», la pulpe du saperavi est donc également foncée. On trouve de tels raisins de cuve dans de nombreux endroits – comme par exemple le Teinturier (France), le Colorino (Italie) ou l'Alicante (Espagne). Mais dans ces pays, ils sont principalement cultivés et utilisés à des doses homéopathiques – peut-être 1 à 2 % – pour donner un peu plus de couleur au vin. Les raisins de cuve sont donc généralement «neutres», presque sans caractère, afin qu'ils n'influencent pas le vin et que leur nom n'apparaisse même pas sur l'étiquette. Donc, encore une fois, rien. Retour en Suisse enrichi sur le plan culturel, déçu sur le plan viticole. Mais Andreas Florin venait de se mettre à son compte et de louer un domaine viticole à Stein am Rhein. Au début, il avait certes beaucoup de travail dans son «vignoble», mais rien à vendre. Il a donc eu le temps de préparer un voyage d'études en Arménie avec son camarade de classe Arman Manoukian. C'était en 2013.

Enfin sur la route en Arménie

Super programme: visite de nombreuses caves à Yerevan et dans les environs. La plupart de ces installations étaient à la pointe de la technologie. Nouveau. De grande taille. Imposantes. Les Arméniens de la diaspora avaient investi beaucoup d'argent pour libérer le monde du vin en Arménie du préjugé «uniquement cognac». Seulement, ils cultivaient du cabernet-sauvignon, du merlot et du chardonnay, c'est-à-dire «plus de la même chose». Mais ce n'est vraiment pas ce que les Suisses cherchaient en Arménie. Ce n'est qu'au cours des deux derniers jours de l'expédition que la petite délégation a pu découvrir la vallée d'Areni et le cépage Areni. Le berceau de la viticulture était désormais trouvé. Bien qu'à l'époque, l'accès était encore interdit, ils ont également pu visiter les fouilles du «plus vieux chai du monde». C'est à ce pressoir qu'ont été découverts les pépins de raisin, dont il est prouvé qu'ils ont été récoltés il y a un peu plus de 6 500 ans et qu'ils ont le même ADN que le raisin d'Areni dans les vignobles de la vallée d'Areni encore aujourd'hui. Merveilleux.

Recherche de bons vins d'Areni

Le voyage était donc réjouissant et réussi. Mais Schuler n'avait pas encore de vin d'Areni. Il fallait donc trouver un partenaire adéquat. Les vins les plus simples étaient nombreux. Mais les lots au caractère propre et prononcé d'Areni étaient rares. Mais on en a acheté et les jeunes vins ont été pris en charge par des camions-citernes spéciaux climatisés et transportés en Suisse. Dès lors, les œnologues Marc Heumann et Andreas Kapaklis se sont occupés, avec le maître de chai Toni Broch, des soins et de l'élevage sous bois. Une réusite – un succès considérable pour une première fois. Parallèlement, des négociations et des efforts ont été entrepris pour parvenir à un niveau de qualité plus élevé avec le partenaire pour les millésimes suivants. Cela n'est possible que par un travail conséquent et de qualité dans le vignoble - de la taille à la vendange en passant par le travail du sol. Il s'agissait de limiter la quantité et d'augmenter la qualité. Oui, les partenaires arméniens ont un peu suivi les souhaits et les directives des œnologues de Schuler. Mais malheureusement pas de manière assez conséquente. A chaque visite, il y avait à nouveau des déceptions, des revers et tout au plus de petits progrès.

Nos propres vignobles

Il fallait donc trouver de nouvelles voies. La location ou l'achat de ses propres vignes était inévitable pour assurer un travail de qualité dans le vignoble. En avril 2017, Jakob Schuler a acheté les huit premiers hectares de vignes existantes à Aghavnadzor en serrant la main de Vahram. Il fallait maintenant créer une société: en deux semaines, la Noah of Areni LLC était inscrite au registre du commerce arménien – un travail non bureaucratique, rapide et propre des autorités. Après la création de la société, 28 hectares de vignes supplémentaires ont pu être acquis à Rind. Depuis, des parcelles voisines sont venues s'y ajouter, si bien qu'actuellement, 48 hectares sont en production et une vingtaine d'autres en cours d'aménagement. Mais le travail dans ces vignobles «existants» a été immense. Il y avait presque tout, de la négligence à l'erreur de plantation. Et donc beaucoup de choses à changer. Un travail long et fastidieux qui ne porte vraiment ses fruits qu'après une longue période. Ainsi, les premières années, seules de très petites quantités ont pu être récoltées dans une qualité qui correspondait aux attentes de Schuler.

Partenaire-Cave

Ce travail de mise en place et de transformation dans les vignobles a nécessité un engagement total. Schuler a donc été heureux de pouvoir confier dans un premier temps les raisins mûrs à deux caves partenaires pour la vinification. Après la récolte 2017, l'une des deux caves s'est retirée et, pendant quatre ans, toute la quantité a été vinifiée chez WineWorks. Une deuxième décision d'investissement importante s'est donc imposée. Il fallait construire une cave propre, et ce de manière à pouvoir y travailler dès la récolte 2022. Cette décision a été prise en janvier 2022 et la recherche de bâtiments existants adaptés a commencé. Aussi bien par des demandes directes dans la région que par Google-Maps: tous les grands bâtiments ont été examinés pour savoir s'ils étaient éventuellement inutilisés et disponibles. En février, une dizaine de sites potentiels ont été visités, principalement des friches industrielles. La plupart d'entre eux se trouvent malheureusement en dehors de la vallée d'Areni. Finalement, deux possibilités étaient encore en lice: d'une part, un ancien moulin à Yelpin – près des vignobles de Rind. Et à côté, la grande friche industrielle de Hayanist – une ancienne usine de transformation du bois abandonnée – plus spacieuse, mais plus éloignée des vignobles. Finalement, le choix s'est porté sur Hayanist. Nous avons résolu le problème de la distance entre les vignes et la cave en utilisant des camions réfrigérés pour le transport des raisins. Ce refroidissement a également d'autres avantages pour la vinification - dans nos vignobles, malgré une altitude de 1200 à 1500 mètres, il peut encore faire très chaud, voire caniculaire, en septembre, de sorte que le refroidissement des raisins vendangés est très bénéfique. Une course contre la montre a donc commencé. Outre la préparation des locaux, il fallait aussi évaluer et acheter un équipement de cave complet - de la réception des raisins avec tables de tri et égrappoirs, en passant par les cuves de fermentation et le pressoir, jusqu'au chai à barriques et à l'installation de mise en bouteille. Notre équipe arménienne s'est rendue en Suisse et en Italie, a échangé avec ses collègues de Schwyz, de Sion et de Toscane, puis a visité différents producteurs. Finalement, ils ont choisi une grande partie de l'équipement de la cave en Italie, les cuves de fermentation en Moldavie et en Roumanie, les barriques en France et en Suisse. Mais il fallait maintenant amener tout cet équipement en Arménie. C'est devenu le plus grand défi de tous : en été/automne 2022, les chaînes d'approvisionnement du monde entier étaient encore perturbées par les conséquences de Covid. Et en Italie, le mois d'août est traditionnellement un mois de vacances - tout est à l'arrêt. Malgré tout, avec une semaine et demie de retard, la nouvelle cave de Hayanist était opérationnelle. Pavel, notre œnologue et maître de chai, Arpine, l'académicienne du vin aux connaissances très pratiques, Gennady, le «maître d'œuvre et le chef de file», Sona, la coordinatrice polyvalente, Narek, le directeur des ventes qui, en cas de besoin, rend possible des transports et des dédouanements impossibles le week-end – ils y sont tous parvenus avec le directeur Arsen. Mais ce n'est pas seulement la performance de la création de la nouvelle cave qui est imposante, mais aussi les vins qui y ont été élaborés la première année. De ce point de vue, le millésime 2022 est le véritable début de l'aventure NOA Noah of Areni - et le millésime 2023 devra confirmer que nous sommes entrés avec NOA dans une nouvelle ère et que nous commençons à exploiter tout le potentiel du cépage Areni et des terroirs privilégiés de Rind et d'Aghavnadzor.